Frederick Windslow Taylor 1856-1915
Les débuts de Taylor
Frederick Winslow Taylor, né en Pennsylvanie, commença sa carrière comme ouvrier dans une aciérie, puis après de multiples promotions devint ingénieur puis consultant. Taylor travailla dans un atelier d'usinage de la Midvale Steel Company en 1878. En 1898 il rejoint la Bethlehem steel company, où il testera et appliquera de nouvelles méthodes d'organisation du travail connu sous le nom de OST : organisation scientifique du travail et du management scientifique.
Taylor voit, à son époque, 3 causes principales qui expliquent la faible performance du monde industriel :
- Premièrement, l'idée fausse dans le monde ouvrier que l'augmentation de la productivité engendre inévitablement l'envoi de nombreuses personnes au chômage.
- Deuxièmement, des systèmes d'organisation qui favorise la flânerie généralisée des ouvriers.
- Troisièmement, des méthodes de travail empiriques qui utilise de façon très imparfaite le travail des ouvriers.
Le développement de sa vision
Alors qu'il travaillait avec Bethlehem, il remarqua que les ouvriers ne travaillaient pas à leur pleine capacité, alors qu'ils devaient soulever de la fonte. En moyenne, les hommes soulevaient 12 tonnes par jour. Il voulait savoir combien de fonte pouvait déplacer un homme qui travaille au maximum de ses capacités. Une étude sur 75 hommes montra que 4 d'entre eux étaient capables de soulever 47 tonnes par jour au lieu des 12 tonnes habituelles. Taylor fit un marché avec un des 4 hommes en lui demandant de soulever 47 tonnes le jour suivant et en contrepartie celui-ci verrait son salaire augmenter de 60% (1.15$ à 1.85$). L'ouvrier accepta et souleva 47 tonnes. La proposition fut renouvelée et fut maintenue pendant les trois ans qui suivirent, trois ans durant lesquels l'ouvrier travailla à la Bethlehem. Fort de ce succès, les autres ouvriers furent entraînés à soulever 47 tonnes et leurs salaires furent augmentés en conséquence.
Il constata également que les ouvriers réalisaient d'innombrables mouvements qui ne produisaient rien de tangible. Cela est dû au fait que les employés avaient été formés par l'observation des personnes travaillant directement en proximité d'eux. En conséquence, il pouvait y avoir jusqu'à cent façons différentes de faire un seul et même travail. La multiplicité des pratiques engendre aussi une grande variété de moyens utilisés pour faire le travail. Taylor avec un raisonnement simple abouti à la conclusion que parmi la large variété de méthodes et de moyens utilisés pour faire le travail, il y a toujours une seule qui est meilleure que les autres, plus rapide et donnants de meilleurs résultats. Plutôt que la meilleure manière de faire les choses soit définie et acceptée comme un standard utilisé par tous et tous les jours, les tâches sont réalisées de multiples façons différentes. Cela était dû à une absence complète de codification, d'analyse et de description systématique des méthodes de travail.
Les expériences de Taylor
Dans la compagnie Midvale Steel il fit de nombreuses observations et expériences. Tout d'abord, il constata que, ici, comme dans la plupart des ateliers du pays, les ateliers n'étaient pas tenus par les chefs, mais par les ouvriers. Les ouvriers s'accordaient entre eux pour définir un rythme de travail qui correspondait seulement à 30% d'un rythme de travail normal. Tous les nouveaux travailleurs devaient bien évidemment adapter leur rythme au rythme préalablement établi par les plus anciens. Taylor lui-même subit des pressions de la part de ses collègues dans ce sens. Ces pressions allèrent des opérations de sabotage des outils de travail par les ouvriers eux-mêmes jusqu'à des menaces qui lui était directement adressées. Toutefois, il ne céda jamais à aucune forme de pression.
Taylor conduisit des expériences pour déterminer quelle quantité de travail maximum peut délivrer un employé. Pour faire cette étude, il fit appel à un jeune étudiant qui avait pour rôle de chronométrer avec précision chaque mouvement que faisaient deux ouvriers dédiés aux expériences. Ces expériences lui permirent de conclure que la capacité de travail de l'homme est limitée à cause de la fatigue. Il nota aussi que les hommes devaient respecter des temps de pause pour que les tissus des muscles puissent se régénérer. Il est donc possible pour un homme d'être sous une charge (en poussant ou en tirant) que pendant un pourcentage de temps limité de la journée. Par exemple, les Hommes ne pouvaient déplacer de la fonte brute d'un poids de 41kg que 43% du temps de la journée. Toutefois les Hommes peuvent déplacer des poids de 20kg pendant 58% du temps de la journée. Dans le même registre, au cours d'une de ses études il a définit que le poids optimum qui devait être soulevé avec une pelle était de 9kg et ce quel que soit le matériau qui était charié. Il définit différents standards de pelles avec différentes dimensions qui permettaient à l'ouvrier de toujours porter un même poids de 9kg quel que soit le matériaux.
Cela était aussi vrai pour les travaux d'inspection visuel ou un temps de pause de 10 minutes devait être respecté toutes les 1h15 minutes. Pause durant laquelle les travailleuses devaient se lever et changer complètement d'activité pour récupérer.
Sa vision du management
Selon Taylor, le principal objectif du management scientifique est de donner un maximum de prospérité à l'employeur tout en donnant un maximum de prospérité à l'employé. Le management scientifique a pour fondation, la ferme conviction que les intérêts des ouvriers et des managers ne sont pas antagonistes. Dans sa stratégie les ouvriers et les managers doivent travailler main dans la main dans une relation basée sur le respect réciproque.
Pour illustrer ce principe, il prend l'exemple d'un patron et de son employé qui, parce qu'ils sont très compétents sont capables de faire 2 paires de chaussures par jour, tandis que leurs concurrents ne sont capables d'en faire qu'une seule pair.
Le patron est alors capable de payer son employé un salaire plus élevé que son concurrent. De plus, cela permet à l'employeur d'avoir un plus grand profit. En un mot, le niveau de prospérité maximum peut seulement exister comme le résultat d'un maximum de productivité.
Dans ce cadre, la préoccupation première des employeurs et des employés doit être la formation et le développement de tous les individus de l'entreprise de façon à ce que chaque individu puisse produire de la façon la plus rapide et avec un maximum d'efficience. On doit aussi s'assurer de confier à l'employé un le travail le plus qualifié qui puisse être en adéquation avec ses aptitudes naturelles.
Taylor demande aussi à ce qu'il y ait un meilleur partage des responsabilités entre le management et les travailleurs. Il faut bien s'imaginer que le système de management avant Taylor en était à ses balbutiements et que la totalité des compétences techniques étaient à ce moment-là principalement dans les mains des ouvriers. Avec le management scientifique, le manager doit assumer la tâche de collecter toutes les méthodes de travail traditionnelles, qui étaient possédées par les ouvriers et ensuite de les classer et compiler de façon à transformer ces connaissances en lois, règles et formules qui s'avèrent d'une aide immense lorsqu'elles sont déployées dans le travail au quotidien de l'ensemble des ouvriers.
Cette nouvelle vision (en 1911) implique que le travail devait être précédé en amont par un ensemble de tâches préparatoires du management qui permettent à l'ouvrier de mieux faire son travail et de façon plus rapide que cela n'aurait été possible avec l'ancien style de management. Le travail de l'ouvrier est planifié par le management au moins un jour à l'avance, et chaque homme reçoit dans la plupart des cas des instructions complètes écrites décrivant en détail la tâche qui doit être accompli, de même que les moyens qui doivent être utilisés. En plus de cela, le temps qui doit être alloué pour réaliser la tâche est spécifiée. La durée devait être définie avec justesse avec comme préoccupation que la durée prévue devait permettre une réalisation soignée et en aucun cas ne devait mettre en cause la santé de l'ouvrier . L'ouvrier ne doit pas être surchargé et doit pouvoir prospérer en faisant cette tâche sur du long terme. Chaque ouvrier doit recevoir chaque jour l'aide dont il a besoin et l'enseignement qui est nécessaire plutôt que d'être dirigé de façon coercitive ou encore laissé à lui-même sans recevoir d'aide.
Il estimait que chaque manager devait faire particulièrement attention à ce que les tâches soient effectuées correctement par les ouvriers. Les ouvriers devaient suivre les ordres des managers sans opposition et les manager devaient en retour ne pas attribuer de tâches déraisonnables.
Les devoirs du management peuvent se découper en 4 groupes :
- Premièrement. Il doit développer la science de chaque élément du travail des hommes qui remplacera l'ancienne méthode empirique.
- Deuxièmement, Il doit sélectionner scientifiquement et ensuite former, entraîner et développer chaque ouvrier. A la différence de l'ancien système ou l'ouvrier choisissait son propre travail et se formait par lui-même.
- Troisièmement. Il doit collaborer chaleureusement avec les hommes pour s'assurer que le travail est réalisé en accord avec les règles de la science qui a été développée.
- Quatrièmement, Il doit y avoir une division pratiquement égale des responsabilités entre le management et les ouvriers. Le management reprend tout le travail pour lequel il est mieux adapté que les ouvriers. A la différence du passé où la plupart des responsabilités reposait sur les ouvriers.
Sa vision des différentes fonctions du management
Taylor estime que, en plus d'une formation systématique de chaque ouvrier, il est nécessaire de formaliser à travers des instructions écrites la manière de réaliser le travail. Les personnes en charge de réaliser les tâches de management sont rassemblées au sein du "planning departement". Ces instructions sont le résultat combiné du travail de plusieurs Hommes, chacun ayant ses propres spécialités. Parmi ces spécialités, on notera la spécialité consistant en l'étude des temps (Mouvement des ouvriers, vitesse des machines...). Ces études permettent l'établissement de tables définissant les vitesses pour la réalisation de chaque tâche. La nature humaine étant telle que la plupart des travailleurs accorde peu d'attention aux instructions de travail, il est nécessaire que des contremaîtres fonctionnels (Fonctional foremen) veillent à ce que les ouvriers comprennent et effectuent les instructions établies. Les anciens contremaîtres sont remplacés par 7 personnes différentes ayant chacun sa propre responsabilité. Ces agents sont des enseignants, experts dans leur domaine, qui passent leur temps dans les ateliers.
- Le premier type d'enseignant appelé inspecteur (inspector) s'assure que les ouvriers comprennent les dessins et les instructions. Il enseigne comment atteindre le bon niveau de qualité, comment faire les choses de façon précise et fine ou cela est nécessaire et de façon rapide et grossière ou la précision n'est pas requise.
- Le deuxième type d'enseignant appelé chef de groupe montre comment utiliser les machines et comment effectuer les mouvements de façon rapide et efficace.
- Le troisième, le chef des vitesses (Speed boss) s'assure que les machines fonctionnent à leur plus grande vitesse et avec les bons outils de façon à ce que les produits soient réalisés le plus rapidement possible.
- Le quatrième type de manager, responsable de la maintenance (repair boss) est en charge de la bonne adaptation, la propreté et de l'attention générale qui est à accorder aux machines.
- Le cinquième, l'employé (time clerk) qui est en charge de la paie et des rapports financiers.
- Le sixième, l'employé (Route clerk) en charge de la réalisation des gammes de fabrication, décrivant l'ordre dans lequel doit être réalisé le travail.
- Le septième étant le manager de la discipline (Disciplinarian) en charge de la résolution des problèmes relationnels.
Taylor avait bien conscience que ce système posait des problèmes en ce qui concerne l'autonomie des ouvriers dont certains se plaignaient de la façon suivante " Pourquoi ne suis-je pas autorisé à réfléchir sans me heurter à quelqu'un le faisant pour moi." Taylor pensait que l'intelligence des ouvriers devait être consacré à de véritables originalités et nouveauté qui font réellement avancer les connaissances plutôt qu'à réinventer la roue. Pour cela, Taylor proposait que l'on attribue des promotions aux ouvriers les plus compétents pour qu'ils deviennent eux-mêmes des contremaîtres. De plus, il encourageait chaque suggestion d'amélioration aussi bien dans les méthodes que les moyens. Et si cette suggestion faisait ses preuves en terme d'amélioration des performances, le crédit complet de l'amélioration devait être donné à la personne à l'origine de la suggestion. De plus, une récompense devait lui être donnée pour cette ingéniosité.
Sa vision des compétences des ouvriers
Il postula que chaque individu devait être strictement sélectionné pour ses compétences au cours d'un processus d'embauche strict. Chaque employé a besoin d'être formé spécifiquement pour son travail par ses responsables. Ces derniers doivent montrer exactement comment doit être effectué chaque tâche. Sur ces aspects, les critiques récurrentes concernent sont le côté déshumanisant de ce mode de fonctionnement. L'ennui résultant d'un travail répétitif, l'absence d'apprentissage permis par ce type de travail, la difficulté pour les jeunes d'acquérir de nouvelles expériences.
Sa vision du poste de travail
Taylor avait une attention particulière concernant les postes de travail. Au delà de la propreté et du rangement du poste de travail, il estimait que tous les équipements utilisés par les ouvriers devaient être parfaitement adaptés au travail et être en parfait état. De plus, ces outils devaient être standardisés.
Si une entreprise faisait appel à Taylor pour appliquer ses théories, Taylor insistait sur le fait que ceci devait être une des premières étapes, quand bien même cela nécessitait de la part de l'entreprise une grosse dépense dans l'investissement dans de nouveaux outils.
Sa vision du partage des richesses
Taylor pensait que le travail quotidien des ouvriers devait être mesuré individuellement pour éviter le nivellement par le bas lorsque le travail est réalisé en groupe. Taylor utilisa l'exemple du chargement d'un wagon par 2 personnes qui ne permet pas de rétribuer les personnes à hauteur du travail accompli. Il préféra affecter un wagon par personne de façon à évaluer précisément le travail de chacun.
Il arguait que les entreprises devaient en parallèle de la mise en place de l'organisation scientifique du travail augmenter les salaires de 33 à 100%.
Anecdote, Taylor notait déjà en 1911, que, un des dangers dont on devait se prémunir était que quand la paye d'un homme ou d'une femme dépendait de la quantité de travail accompli, l'effort pour augmenter la quantité, la qualité était apte à se détériorer. Pour se prémunir de cela, Taylor proposa la double inspection.
Sa vision du changement
Taylor avait aussi très vite pris conscience que ce changement de type de management prenait des années pour que les mentalités de centaines d'Hommes évoluent. Ce changement doit s'accompagner de démonstration pour que chacun puisse voir les grands avantages de ce nouveau type d'organisation.
Ses recommandations pour appliquer sa méthode
Premièrement : Trouver 10 ou 15 personnes différentes qui sont particulièrement qualifiées pour faire le type de travail faisant l'objet de l'analyse.
Deuxièmement : Étudier la série d'opérations élémentaires et les mouvements que chaque Homme utilise pour faire le travail qui fait l'objet de l'investigation, ainsi que l'ensemble des moyens qui sont utilisés.
Troisièmement : Étudier avec un chronomètre le temps qui est nécessaire pour faire chaque mouvement et sélectionner la manière la plus rapide de faire chaque élément du travail.
Cinquièmement : Après avoir éliminé chaque mouvement inutile, collecter dans une série le mouvement le meilleur et le plus rapide ainsi que les meilleurs moyens.
L'emprunte qu'il a laissé
Taylor a défini quatre principes du scientifique management en opposition à la logique de production du 19e siècle :
- Remplacer les méthodes empiriques par des méthodes fondées sur une analyse scientifique des tâches à accomplir ; Il s'agit de remplacer le jugement individuel des ouvriers par l'analyse scientifique. Il s'agit alors de fixer des règles précises pour chaque mouvement de chaque homme et de standardiser parfaitement les moyens et les conditions de travail.
- Sélectionner, former et développer de manière scientifique chaque collaborateur en lieu et place d'un apprentissage sur le tas ou les ouvriers choisissent eux-mêmes à quoi se former de façon hasardeuse. Eliminer les personnes qui refusent ou qui sont incapables d'appliquer ces méthodes.
- Faire coopérer de façon étroite le management avec les ouvriers de telle manière qu'ils réalisent le travail en accord avec les méthodes scientifiques qui ont été développées. La résolution des problèmes par les ouvriers eux-mêmes doit disparaître au profit de la collaboration avec le management. Rétribuer avec des bonus le travail rapide. Le management et les ouvriers partagent de cette façon le résultat de la performance journalière.
- Pratiquer la division du travail entre manager et ouvrier de telle sorte que les managers appliquent les principes scientifiques du management à la planification de l'activité de production et que les ouvriers se dédient à la tâche de production. Tout au long de la journée, les managers doivent se dédier à l'aide, l'encouragement et à lisser le travail des ouvriers.
En quelques mots, le management scientifique du travail peut être résumé en : Science plutôt que l'empirisme, Harmonie plutôt que discorde. Coopération plutôt que individualisme. Maximum de production plutôt que production restreinte. Le développement de chaque homme pour sa plus grande efficience et prospérité.
Taylor publia ses théories à partir de 1890. Parmi ses ouvrages on notera : "Notes on belting", " A piece rate System", "The ajustement of Wage efficiency", "Shop Management"
Taylor a laissé derrière lui une myriade d'idées et les prémisses de l'organisation scientifique du travail. Taylor incarnait avant tout un grand pragmatisme, valeur très recherchée de nos jours. Toutes personnes curieuses de l'ingénierie ou de l'amélioration de process trouvera dans la lecture de ses ouvrages les fondamentaux dont il a besoin pour appréhender complétement cette science.
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Nicolas DEROBERT